« Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin » (Matthieu 2/1-12)
L’Evangile de St Matthieu est le seul des 4 Evangiles à nous raconter l’épisode des mages venus d’orient sous la conduite d’une étoile. Matthieu précise seulement qu’ils viennent d’orient.. Encore aujourd’hui, l’orient c’est le pays du soleil levant. Pour les premiers chrétiens et pour nous chrétiens d’aujourd’hui, le soleil levant c’est la personne même du Christ représenté par l’Etoile que les mages ont suivie et que nous devons suivre.
Matthieu ne dit pas s’ils sont rois, ni combien ils sont, ni de quelle couleur ils sont, ni quel est leur nom. C’est entre le 5ème et le 15ème siècle après Jésus que s’est bâtie la « légende des Rois Mages ». On a commencé par les faire venir de Perse, puis au 5ème siècle on a dit qu’ils étaient trois. Ce n’est qu’au 7ème siècle qu’on leur a donné des noms : Melchior, Balthasar, Gaspart. Et au 15ème siècle on leur a attribué des races différentes : Melchior était blanc, Gaspard jaune et Balthasar noir. Quant à la galette qui se partage en cette période de l’Epiphanie, c’est une tradition qui existait déjà avant le christianisme, époque où était rendu un culte à l’astre du SOLEIL. Ce sont les chrétiens de l’Église d’orient qui ont remplacé la fête païenne par la fête de l’Epiphanie. Ce n’est que plus tard que l’église latine qui est la nôtre a elle aussi commencé à fêter l’Épiphanie. Ces précisions apportées, essayons de découvrir le sens de la fête de l’Epiphanie.
Avec les mages venus d’orient comme l’a écrit Matthieu, la Bonne Nouvelle de l’Evangile semée d’abord dans le tissu religieux et culturel d’un peuple particulier, le peuple juif, a pris sa dimension d’universalité. Cette Bonne Nouvelle de l’Evangile qui est toujours pour nous le terreau originel, fondateur de notre foi, avant d’être devenue une parole écrite quelques dizaines d’années après la mort du Christ, c’est une Personne : le Christ lui-même qui a fait de sa vie la parole Vivante de Dieu. Dieu sait si le Christ a été habité par une foi, non pas figée et archéologique mais vivante, vivifiante à tel point que le Christ fut hérissé, scandalisé par la religion officielle de son époque qui était devenue une religion enfermée dans le temple et dans la répétition d’une liturgie artificielle qui n’avait rien à voir avec une foi en Dieu qui stimule l’homme à être et mieux devenir frère, respectable, respecté, reconnu « enfant de Dieu ».
Les mages que Matthieu l’Évangéliste a fait venir du fond de leur paganisme et de leur savoir profane ont été capables de voir se lever l’Etoile Messianique, alors que les religieux officiels, les docteurs de la loi de Moïse, les scribes de l’Écriture Sainte et les prêtres du culte sacré du temple de Jérusalem ceux-là même qui avaient pourtant comme mission d’inviter les croyants de leur époque à se préparer à la venue du Sauveur tant attendu par le peuple juif, sont restés enfermés dans un univers religieux clos sur lui-même, enfermés dans une rigidité doctrinale et un légalisme religieux vidé de son contenu d’amour.
Comme l’a écrit un dominicain, le Père Jean MANSIR qui fut pendant 15 ans producteur de l’émission « du Jour du Seigneur » à la télévision, a force de vouloir resté attachés à nos habitudes, à nos traditions immuables, à nos institutions sans ouverture vers l’avenir, nous courons le risque de la consanguinité qui, nous le savons, engendre la dégénérescence physique, mais aussi psychique, spirituelle et même institutionnelle. La consanguinité engendre toujours une dégénérescence faute d’apport de sang nouveau, d’esprit nouveau, de spiritualité renouvelée et oxygénée. Reconnaissons-le, nos paroisses, nos communautés, et notre Eglise latine ont un urgent besoin d’une nouvelle perfusion évangélique. Ce n’est pas pour rien si le Pape François vient d’exhorter à Noël les cardinaux du Vatican à l’humilité.
Quand la foi se réduit à devenir simple obéissance ou soumission à un système religieux réglementé, institutionnalisé et sacralisé par une hiérarchie qui risque de prendre la place de Dieu, nous n’avons plus à faire à la Foi qui fait vivre mais à une religion qui prend la place de Dieu et qui emprisonne l’homme. L’histoire plusieurs fois millénaires de toutes les religions atteste cette douloureuse vérité.
L’Évangile de l’Épiphanie, à travers le conflit qui se dessine entre la Royauté de Jésus qui est une royauté d’abaissement, d’incarnation et de service veut nous faire comprendre qu’il ne faut pas confondre pratiquer une religion et avoir la Foi, une Foi, non pas répétitive et soumise, mais vivante qui libère, qui guérit, qui nous met en route par un autre chemin de foi et qui renouvelle, ressuscite l’homme dans sa vie personnelle, sociale, ecclésiale.
Les mages de l’Evangile de Matthieu étaient des païens, c’est-à-dire des non juifs, mais ils avaient la FOI, une foi qui met en route, une Foi qui fait bouger. Comme Abraham autrefois, les Mages se sont laissés désinstallés pour se mettre en recherche de la signification de la Lumière de l’Etoile qui brillait, non pas d’abord dans la voûte céleste mais dans leur cœur d’homme et peut-être de savant car, à ce sujet, l’Evangile se tait totalement. L’Evangile nous dit seulement qu’ils sont des mages, c’est-à-dire des sages.
Tout homme, y compris chacun de nous, peut être un « sage » comme les mages si nous nous situons dans un esprit de recherche de sens, en quête de lumière. Un homme sage c’est celui ou celle qui ne se suffit pas à lui-même, qui ne s’enferme pas dans des certitudes hermétiques, dans des convictions religieuse statiques…
Le vrai sage, donc le vrai chercheur de Dieu c’est celui qui découvre et expérimente que Dieu se trouve à l’intérieur de sa vie, appelés à vivre notre quotidien personnel, social, ecclésial dans une dynamique de renouveau.
Quand la foi s’institutionnalise à outrance, elle se stérilise, elle sombre dans une routine stérile. Elle fait de nous des sédentaires spirituels incapables d’avancer, d’évoluer, de sortir de nous-mêmes pour aller vers Dieu et vers les autres. Rien ne se produit dans une vie chrétienne stéréotypée : l’étoile de la foi finit pas pâlir et disparaître. Elle a disparu quand les mages se sont arrêtés au siège royal d’Hérode. Elle a disparu quand les mages se sont arrêtés sur ce haut lieu qu’était à l’époque le tempe de Jérusalem devenu la propriété privée des grands prêtres du Judaïsme. Mais c’est en quittant ces forteresses politique, religieuse et institutionnelle que les mages ont de nouveau vu l’étoile briller et qu’ils ont pu à nouveau se laisser guider et conduire jusqu’au lieu de la naissance de l’enfant de Bethléem mais qu’ils ont surtout découvert et compris que le lieu de naissance de « L’ENFANT DIEU » n’était pas Bethléem mais leur cœur ouvert et accueillant à la présence divine dans leur vie.
Si nous allons à la messe en ce nouveau dimanche de l’Epiphanie, allons-y en nous posant les questions suivantes :
- Allons-nous célébrer l’Epiphanie dans un temple religieux parce que notre religion nous dit qu’il faut y venir une fois par semaine ?
- Y allons-nous pour accomplir un rite liturgique programmé annuellement ?
- Y allons-nous parce que nous y sommes guidés par l’étoile intérieure de notre foi qui nous permet de faire de notre cœur un coffret-cadeau qui contient le bien royal le plus précieux: L’AMOUR ?
- En quittant notre église paroissiale, repartirons-nous dans nos vies, comme les mages, par un autre chemin ?
BONNE ANNEE 2022
Pour 2022, je vous souhaite le meilleur pour vous-mêmes, vos familles, vos lieux de vie et de relations :
La SANTE : pour construire votre vie et continuer de la traverser en toute liberté intérieure
LE BONHEUR qui se donne et s’accueille dans la joie lors de toutes nos rencontres
LA GENEROSITE devant la réalité visible ou cachée de toutes les formes de pauvreté
LA RECONCILIATION chaque fois que des cœurs et des mains et des regards restent fermés
LA MISERICORDE dans notre monde abîmé, défiguré et trop souvent déshumanisé
LA FOI pour qu’en cette année électorale, elle éclaire, purifie, fortifie et humanise notre citoyenneté
LA LUMIERE aux inévitables jours plus sombres où notre confiance est malmenée
LE RETABLISSEMENT si notre santé est fragilisée
L’ESPERANCE si notre vie doit s’approcher de notre éternité,LE COURAGE pour gravir chaque matin l’une des 365 marches de la nouvelle année
Père Jean Jacques Ragon