Notre paroisse vivante et fraternelle, rayonnante de la joie de l'Evangile
 
30ème dimanche du Temps Ordinaire

30ème dimanche du Temps Ordinaire

« Que veux-tu que je fasse pour toi…que je retrouve la vue »

Avec l’évangile de ce 30ème dimanche de l’année liturgique, nous sommes transportés à JERICHO, aujourd’hui en Palestine. C’est une ville « Oasis » luxuriante malgré le contexte politique qui témoigne de l’aveuglement des gestionnaires de la vie d’un peuple.

« Jéricho », un mot qui résonne bien dans notre mémoire chrétienne car il évoque deux épisodes évangéliques : celui de la rencontre entre Jésus et Zachée et celui de la rencontre entre Jésus et Bartimée, rencontre rapportée dans l’évangile de ce dimanche.

Jéricho, aujourd’hui encore, ville luxuriante est en quelque sorte le symbole de tous les lieux, de toutes les situations humaines personnelles et collectives où la richesse regorge et où l’argent est roi et rend aveugle.

La richesse, non seulement n’est pas un mal en soi, loin de là,  car elle est avant tout un bien qu’il faut savoir   faire fructifier pour être mieux partagé. Mais  la richesse est un bien dangereux car elle peut rendre égoïste et donc aveugle. Elle est parfois un danger plus grand et plus menaçant pour ceux qui la possède car ils doivent résister à la tentation de l’égoïsme et du toujours plus. Ce fut l’expérience malheureuse du Zachée de l’évangile  et de tous les Zachée de l’histoire humaine.

La richesse est dangereuse   car elle rend aveugle et  empêche de voir la condition sociale et économique de tous les Bartimée de l’histoire humaine qui sont sur le bord du chemin.

Dans l’évangile de ce dimanche, il y a plusieurs personnes en jeu et ils sont tellement bien décrits chacun dans leur situation sociale que l’on pourrait en faire une belle pièce de théâtre. Il y a deux groupes de personnes :

  • le premier groupe : Jésus et ses disciples qui l’accompagnent
  • le deuxième groupe : le groupe de gens qui veulent faire obstacle à la rencontre entre Jésus et Bartimée.
  • Mais il a aussi, en plus de ces deux groupes, une personne en situation humaine non enviable : un mendiant aveugle nommé « Bartimée ».

Saint Marc, en mettant en scène dans son évangile chacun de ces personnages ne nous fait pas une leçon de morale mais une catéchèse qui prend la forme d’une belle leçon d’humanité : savoir ouvrir les yeux de chair et les yeux du cœur sur les situations de marginalité déshumanisantes  pour de trop nombreux de nos semblables et peu honorables  pour ceux qui ont le pouvoir de lier ou de délier les cordons de leurs bourses.

Des situations de marginalisation ou d’exclusion, tant sur le plan personnel que collectif, il y en a toujours existé, il en existe encore trop de nos jours et il en existera certainement encore longtemps, du moins tant que  les hommes refuseront de recevoir le vaccin qui protège de l’égoïsme et de l’aveuglement. Marc l’évangéliste en mettant en scène Jésus avec ses disciples dans leur rencontre avec le mendiant aveugle veut nous dire que le Christ rejoint toujours l’homme laissé pour compte au bord de la route pour lui redonner confiance. Il ne s’agit pas  d’un éveil à la confiance uniquement avec des paroles sans actes sauveurs.  Il s’agit d’une confiance qui redonne aux laissés pour compte la force qui leur permet de se remettre debout avec toute leur dignité. La première dignité consiste à redonner à l’homme abandonné une vraie liberté en l’aidant à se délester de tout ce qui rend aveugle et de l’aider à pouvoir porter sa vie au lieu de la subir.

La présence des disciples qui accompagnent Jésus dans son ministère d’humanisation nous rappelle que l’Eglise d’aujourd’hui , à travers les chrétiens que  nous sommes, a pour mission de s’investir prioritairement et toujours plus dans un service d’humanisation. Appelons ce service d’humanisation tous azimuts : le ministère évangélique  d’humanisation. C’est un ministère à plein temps « non liturgique,  non ordonné, non clérical mais baptismal »  qui est  confié à chaque baptisé.

Avoir la foi, c’est savoir ouvrir tout grand les yeux de notre cœur sur les souffrances, sur les situations d’exclusion et de marginalité. Avoir la foi, si elle est vraie et vivante, ne peut que nous aider à ouvrir les yeux de notre cœur. Elle se révèle et se témoigne que si notre rapport aux personnes marginales ou pas, inspire confiance et redonne confiance.

Pour avoir la foi peut-être devons-nous encore faire un long apprentissage d’humanisation de notre propre vie personnelle : l’humanisation du monde que bien sûr nous souhaitons tous commence par notre humanisation personnelle qui consiste à reconnaître nos aveuglements de toutes sortes et à  nous laisser habiter par l’amour libérateur du Christ. Ainsi, comme Bartimée,  nous pourrons bondir de joie et devenir serviteurs des hommes.

Avoir la foi c’est adopter les comportements humains du Christ : sur son chemin de vie, il a su s’arrêter quand la misère d’un homme l’interpellait. Jésus ne s’est pas senti interpellé uniquement ni d’abord par le cri ou l’appel verbal de Bartimée mais par sa situation de détresse. Dans notre monde, au loin mais aussi près de chez nous, elles ne manquent pas les situations humaines qui devraient crier d’elles-mêmes à notre conscience humaine qui, si elle a du cœur,  devrait se laisser  interpeller par les situations de détresses de ceux qui n’ont ni la force ni les moyens de se faire entendre.

S’il nous arrive de participer à une eucharistie dominicale, c’est certes parce que nous disons avoir la foi. Mais avons-nous conscience qu’en participant à l’Eucharistie, nous vivons une rencontre avec le Christ qui nous a rejoints pour nous tendre sa main : c’est le sens du geste de communier à la main recommandé actuellement par nos évêques pour nous protéger de la propagation du Covid. Pour  communier en vérité à la vie du Christ il faut lui témoigner qu’en offrant notre main pour recevoir son corps  c’est notre foi qui se convertit et qui s’humanise. La foi ne se réduit pas à s’exprimer dans des actes religieux et liturgiques qui bien sûr ont leur sens. La foi se témoigne d’abord et essentiellement par des actes humains, concrets de confiance et de solidarité envers nos frères humains et prioritairement à l’égard de ceux qui ont le plus besoin de respect, de reconnaissance et de guérison sociale.

C’est ainsi que le Christ, modèle du croyant que nous sommes chacun comme baptisé,  a vécu sa foi, c’est-à-dire sa solidarité avec tous les hommes, en commençant par les laissés pour compte au bord du chemin de nos sociétés.

La cécité des hommes que le Christ est venu guérir dans ses rencontres humaines comme celle de Bartimée, ce n’est pas d’abord celle des yeux de chair fermés à la lumière naturelle des jours, mais celle du cœur dont les yeux étaient fermés à la lumière de l’amour.

Bartimée, au passage du Christ qu’il ne pouvait pas voir puisqu’il était aveugle, a cependant crié sa foi et son dernier espoir en disant : «  Fils de David, aie pitié de moi ». Dans cet appel au secours de la dernière chance, le Christ a reconnu un cri de foi puisqu’il a répondu au mendiant aveugle, sans même le toucher : « Va, ta foi t’a sauvé ». Et l’aveugle guéri se mit à suivre Jésus : il devint disciple du Christ, la lumière du monde.

Père RAGON Jean Jacques