« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier »
Comme il arrive qu’une horloge bien réglée puisse parfois se dérégler et prendre du retard, ainsi notre vie personnelle mais aussi sociale qui, à l’origine, ressemble à une belle horloge bien réglée avec les mécanismes des tables de la Loi dans l’ancien testament et des béatitudes dans le nouveau testament subit des dysfonctionnements. Mais, comme pour une horloge, notre histoire personnelle ainsi que notre vie sociale perturbent et détériorent, défigurent le projet originel de notre Dieu créateur et de Jésus-Christ notre sauveur.
Ce constat remonte à la nuit des temps et est encore malheureusement d’actualité de nos jours. Ne tombons pas pour autant dans le pessimisme ni dans la fatalité qui ne sont jamais une bonne attitude de guérison, ou de réparation. Pour nous rendre lucides et courageux pour réparer ou inventer les mécanismes de la fraternité universelle, la liturgie de ce 25ème dimanche de l’année liturgique nous propose de nous laisser éclairer et interroger par l’auteur du Livre de la Sagesse en première lecture, par le message de St Jacques en seconde lecture et par Jésus-Christ lui-même qui, dans l’Evangile de ce dimanche, ne craint pas de remettre à leur place, c’est-à-dire à l’heure de l’Evangile, ses disciples d’autrefois et ceux d’aujourd’hui que nous sommes. Dans le contexte actuel de la vie du monde et de l’Eglise, mais aussi de notre vie personnelle, nous avons quelquefois besoin que le Christ, comme pour ses disciples de la première heure, nous remonte les bretelles.. L’outil de réparation de notre vie personnelle et sociale se trouve dans l’attitude de notre cœur et de notre intelligence humaine que le Christ a définie par une belle image : « avant de voir la paille qui est dans l’oeil de ton prochain, regarde la poutre qui est dans le tien ».
L’auteur du Livre de la sagesse rappelle que dans la société de son époque faire le choix de la Sagesse, c’est-à-dire d’une vie droite, vraie et juste, ce qui n’est jamais facile pour personne, ça dérangeait et rendait agressif ceux et celles qui sont animés par toutes les formes d’infidélité à Dieu et aux hommes.
Face à toutes les tentations de déshumanisation dont personne n’est épargnée, nous y compris,, tant sur le plan humain que spirituel, l’auteur du Livre de la Sagesse nous invite à mettre notre confiance en Dieu, notre rocher. Dans nos heures de fragilité, faisons notre la prière du psalmiste : « Que Dieu vienne à mon aide. Le Seigneur est mon appui entre tous. »
Saint Jacques, dans l’extrait de sa lettre que nous lisons en ce dimanche, nous fait prendre conscience qu’il y a et qu’il y aura toujours un conflit entre deux comportements qui s’opposent. Saint Jacques dénonce les jalousies, les rivalités, les conflits, les guerres de toutes sortes pour mettre en valeur la suprématie de la paix, de la tolérance, de la compréhension, de la justice, de la miséricorde. Nous serons toujours en face d’un choix cornélien dans notre vie personnelle et sociale mais aussi religieuse : nous serons toujours amenés à faire le choix de vivre de manière non honorable et donc indigne et déshumanisante, ou de vivre en adoptant les attitudes humaines et relationnelles et les sentiments du Christ lui que nous regardons dans son humanité pleine de douceur et d’humilité. Pour faire le choix de la bonne gestion de notre vie personnelle et en société, Saint Jacques nous invite à nous tourner vers le Christ en lui demandant dans la seule prière que Dieu sait entendre : la SAGESSE. Demander la vraie Sagesse c’est en fait demander à Dieu de nous rendre capable d’aimer nos frères comme Dieu lui-même les aime. Demander la vraie sagesse c’est chercher à ajuster notre vie sur celle de Dieu. N’oublions pas que l’horloger, c’est Dieu : il sait comment doit fonctionner notre vie. Il sait réparer les mécanismes défaillants de nos vies personnelles, car notre vie personnelle est une horloge précieuse et merveilleuse : l’œuvre même de Dieu.
Dans l’évangile de ce dimanche il est aussi question de cette opposition entre l’esprit du monde et l’esprit de Dieu. Pour mieux le comprendre, rappelons-nous que l’Evangile de ce dimanche se situe juste après le récit de la Transfiguration. Sur la montagne de cette manifestation, Jésus a montré à Pierre, Jacques et Jean la gloire divine qui est en Lui. De plus, ils ont entendu la voix du Père, c’est-à-dire qu’ils ont mieux compris dans leur foi naissante et balbutiante que le Christ était vraiment le « Fils Bien-Aimé « de Dieu.
En raison de leur prise de conscience de cette belle identité du Christ comme étant le Fils bien-aimé du Père,
les apôtres n’étaient pas du tout prêts à recevoir et à comprendre l’annonce du destin douloureux et humainement injuste que le Christ allait connaître très bientôt. Il a fallu du temps aux apôtres pour comprendre que le destin du Christ était d’un tout autre ordre que celui dont ils rêvaient. Nous-mêmes, réalisons-nous vraiment la puissance d’amour qui a poussé le Christ à aller jusqu’au don total de sa vie, malgré les oppositions, les épreuves, les obstacles et les rejets des autorités religieuses,
Nous aussi nous avons besoin de rectifier, de purifier notre regard sur le sens que le Christ a donné à sa vie. Ne nous trompons pas sur le sens de sa mission. Essayons, sans cesse, d’approfondir la compréhension sur la manière dont le Christ a vécu son humanité comme Fils d’homme et Fils de Dieu. S’il nous arrive d’aller ressourcer notre foi à la messe, n’oublions pas que nous y allons, non pas pour accomplir un rite qui ne change rien à notre vie, mais pour nous efforcer de mieux ajuster notre vie sur celle du Christ. C’est parce que nous savons qu’il a y a un décalage à réduire entre l’affirmation de notre foi et la manière de la vivre que nous nous reconnaissons pécheurs au début de chaque eucharistie afin de permettre au Christ, l’horloger de nos vies, de mettre une nouvelle dose d’amour pour bien faire fonctionner tous les mécanismes de l’horloge qu’est notre vie à chacun.
N’oublions pas ce que le Christ a voulu faire comprendre à ses disciples de la première heure, comment ils devaient gérer leur vie sur le plan humain et spirituel alors qu’ils aspiraient à de la promotion artificielle en faisant valoir leurs mérites. Il a donc pris un enfant. A cette époque, l’enfant n’avait pas le droit à la parole. Par ce geste, Jésus a signifié à ses apôtres et fait comprendre à nous aujourd’hui que celui qui s’efforce d’ajuster sa vie sur celle de Dieu son Père et notre Père, c’est celui qui donne la priorité aux faibles, aux exclus, aux petits, aux sans voix : ils ont la première place dans le cœur de Dieu. Et dans notre cœur de chrétiens, quelle place ont-ils ?
Dans l’Evangile, par ses paroles et son comportement humain, le Christ nous invite à convertir nos mauvais penchants humains : « que le premier se fasse le dernier…que le plus grand soit le serviteur de tous ». Pour le Christ, la pratique religieuse de la religion, quelle qu’elle soit, n’est pas d’abord de l’ordre de la dévotion ou des rites, mais de l’ordre de la qualité et de la vérité de la gestion de notre vie sur le plan humain. C’est ce que Saint Jacques nous a dit dans la seconde lecture de ce dimanche.
En cette période de reprise scolaire, sociale, associative, paroissiale, et autres… engageons-nous à nous mettre véritablement au service des autres, gratuitement, sans chercher à les dominer, sans chercher à avoir du pouvoir sur qui que ce soit.
N’hésitons pas à laisser jaillir de notre cœur cette petite, modeste et belle prière :
« Seigneur, augmente ma foi. Donne-moi le courage d’ajuster ma vie sur la tienne, toi qui est le JUSTE par excellence, l’horloger de ma vie.»
Père RAGON Jean Jacques