« Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
Il nous apparaît bien sympathique le jeune riche de l’évangile de ce dimanche qui s’adresse à Jésus pour lui exposer la question fondamentale que tout homme sensé se pose, à savoir celle de la vie éternelle, autrement dit de la vie après la mort. Nous sommes des humains, croyants ou pas, mais notre préoccupation première est bien évidemment d’être heureux au quotidien, d’avoir une bonne famille, d’avoir du travail, d’avoir des amis et d’avoir une bonne retraite. Toutes ces préoccupations légitimes sont bien évidemment prioritaires dans notre pensée et notre cœur. Nous sommes sur terre pour réussir notre vie. Mais nous savons que ce n’est pas facile tous les jours. Ce qui rend difficile de réussir notre vie de chaque jour, ce sont des épreuves de toutes sortes et parmi ces épreuves la tentation du repli sur soi, de l’égoïsme. On peut se poser la question : est-ce que ça vaut le coup de consacrer du temps, de l’argent pour les autres ? Dans notre sphère ecclésiale, au regard des problèmes qui abîment l’église d’aujourd’hui dans notre pays mais aussi dans le monde, est-ce que ça vaut le coup de faire partie des équipes liturgiques, de faire du bénévolat, de s’investir dans la catéchèse, la préparation aux baptêmes, aux mariages, aux funérailles, de militer au CCFD, de s’investir pour rendre nos paroisses plus vivantes, plus communautaires ? Quand nous nous investissons dans la société civile ou religieuse, est-ce une garantie pour obtenir la Vie Eternelle ? Ce qui doit être prioritairement important dans nos motivations d’engagements divers c’est de pratiquer la solidarité, l’entraide, la fraternité et non pas la perspective d’obtenir de Dieu une récompense après notre mort. Avant notre mort, nous sommes responsables de la gestion de notre vie, qu’elle soit ou non bien gérée. Après notre mort, nous remettrons à Dieu notre vie telle que nous l’aurons vécue. La VIE nous l’avons reçue à notre naissance. Notre VIE nous la remettrons à Dieu avec tout ce que nous en avons fait. On n’assume pas sa vie positivement en vue d’obtenir de Dieu une récompense, mais pour qu’elle soit belle, solidaire, fraternelle durant notre parcours terrestre. Nous savons tous très bien qu’il n’y a aucun bonheur, aucune satisfaction dans notre vie quand elle est vécue repliée sur elle-même, quand le faux dieu de l’égoïsme ferme notre esprit et notre cœur à toutes formes d’engagements au service de nos frères.
Malgré ses limites, il est bien sympathique le jeune homme riche de l’Evangile car à vrai dire il peut nous arriver de lui ressembler. Et pour mieux percevoir en quoi nous lui ressemblons, essayons de comprendre de quoi il est riche.
Il est riche de prescriptions légales, d’encombrements culturels et religieux de toutes sortes qui en fait le rendent aveugle et lui donnent fausse bonne conscience. Il y a bien sûr des règles à respecter dans notre vie sociale et religieuse. Mais il est bien évident qu’avec le temps, certaines règles, habitudes, prescriptions peuvent devenir obsolètes, d’un autre temps, caduques pour ne pas dire archéologiques, et dans ces cas stériles.
Nous aussi nous pouvons dire à Dieu que nous respectons, du moins à peu près, quelques principes moraux et institutionnels en ce qui concerne notre vie sociale et religieuse. Nous accomplissons le mieux que l’on peut quelques prescriptions de notre vie chrétienne comme faire baptiser nos enfants, les envoyer au catéchisme pour qu’il puisse faire leur communion et pouvoir plus tard se marier à l’Eglise. Et comme parents et adultes, peut-être respectons-nous le jeûne du mercredi des cendres et celui du vendredi saint et que nous faisons nos pâques comme on disait autrefois. Nous donnons aussi notre offrande annuelle au CCDF et au secours catholique mais également pour les lépreux ou diverses associations caritatives.
Comme le jeune homme riche de l’évangile de ce dimanche nous aussi nous pouvons dire au Seigneur : « Tout cela je le respecte depuis ma jeunesse ». Mais reste la question fondamentale : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la Vie Eternelle ? »
La réponse de Jésus se trouve dans le regard de Jésus : « Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. »
Que signifie ce regard d’amour que Jésus pose sur le jeune homme riche et qu’il continue de poser sur chacune de nos vies personnelles surtout quand elles sont riches, c’est-à-dire encombrées de toutes sortes d’aveuglement.
Si Jésus pose son regard d’amour sur l’homme riche de ses mauvaises richesses, ce n’est pas pour lui dire « BRAVO » pour la stricte observance de certaines lois et de certains principes pourtant légitimes mais pour l’appeler au dépouillement, au délestage de tout ce qui réduit les dimensions de son intelligence et de son cœur afin qu’il devienne serviteur généreux sans chercher une quelconque récompense.
« Va, vends tout ce que tu as ».Ce n’est pas une invitation à brader des biens matériels qui peuvent avoir de la valeur et leur utilité, mais une invitation à ne pas en faire des veaux d’or, des faux dieux.
Dans le domaine religieux et plus particulièrement de notre Eglise, peut-être faudrait-il accepter de nous déposséder d’une Eglise conçue pour notre soi-disant confort spirituel et religieux en acceptant
Les inévitables changements et adaptations de la vie paroissiale. Dans le domaine de notre foi chrétienne soyons prioritairement soucieux de donner naissance à une Eglise qui témoigne que la foi en Dieu et en Jésus-Christ nous rend fraternels, ouverts, non intégristes, serviteurs des hommes. N’oublions pas que le Christ a été vendu pour 30 pièces d’argent par le pouvoir religieux intégriste du judaïsme de son époque.
Le regard que le Christ posa un jour sur le jeune riche et qu’il continue de poser sur chacun de nous est un regard d’amour exigeant. Le véritable amour est toujours exigeant. Ce regard d’amour du Christ a rendu triste le jeune homme de l’Evangile car il avait de grands biens. Il en était prisonnier. Il a préféré rester prisonnier de ses biens mortels plutôt que de devenir un homme libre. Il a préféré continuer à être un pratiquant ritualiste plutôt que de devenir un pratiquant de la religion de l’amour.
Que ce même regard évangélique que le Christ continue de poser sur chacun de nous nous rende, non pas tristes mais joyeux et généreux au service de Dieu, de l’Eglise et des hommes.
Dans notre vie personnelle, familiale, sociale mais aussi dans notre vie chrétienne et paroissiale soyons aux yeux de nos contemporains et de ceux qui nous entourent d’humbles et vrais serviteurs qui se souviennent de la parole du Christ : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. ».
Père RAGON Jean Jacques