Pour vous qui suis-je ?
Dans le passage de sa lettre que nous entendrons en ce 24ème dimanche, Saint Jacques nous interpelle d’une manière radicale sur la vérité de notre foi en affirmant : « Si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? » De fait, nous pouvons nous poser à nous même une autre question qui rejoint l’interpellation de St Jacques : « qu’est-ce que ça change à notre vie que de nous dire à nous-mêmes que nous sommes croyants en Dieu et en Jésus-Christ ? »
Saint Jacques enfonce le clou en poursuivant par cette affirmation : « La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte ».
Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus, tout comme Saint Jacques, nous questionne de la même manière pour que notre foi ne se limite pas à une affirmation verbale sans suite concrète. C’est à nous que Jésus pose la même question qu’il a posée autrefois à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ? »
A travers l’interrogation de St Jacques et le questionnement de Jésus, nous sommes acculés à nous interroger sincèrement sur l’authenticité et la vérité de notre foi. C’est la raison pour laquelle St Jacques affirme que la foi doit se témoigner . C’est la raison pour laquelle Jésus nous invite à professer notre foi en la véritable identité de Jésus. Il est vrai que nous professons notre foi chaque dimanche par la proclamation du « Je Crois en Dieu ».
Mais notre proclamation liturgique et rituelle est-elle l’écho de notre foi vécue en actes et en vérité dans notre vie quotidienne et relationnelle. Notre foi, pour pouvoir être affirmée en vérité verbalement et liturgiquement doit être d’abord témoignée concrètement. Sinon, notre foi est vaine.
Depuis plus de 2000 ans on parle toujours de Jésus-Christ et les hommes, croyants ou non, continuent de s’interroger sur lui. C’est normal. Nous aussi nous affirmons croire en lui, mais en même temps le Christ demeure pour nous une véritable question qui comporte une part de mystère et d’incertitude.
Depuis plus de 2000 ans et aujourd’hui encore, des hommes, des femmes écrivent sur Lui en essayant de discerner toujours plus et toujours mieux qui est vraiment Jésus-Christ. La richesse du message du Christ, l’exemplarité et l’authenticité de son témoignage reste toujours à découvrir. Son message d’amour, lorsqu’il est bien discerné, fait forcément éclater tous les tabous, tous les dogmatismes, toutes les scléroses culturelles, institutionnelles et religieuses. C’est si vrai que la beauté et la force et le mystère de son amour peuvent faire sauter les verrous de la porte de notre cœur lorsque celui-ci reste fermé et confiné dans une soi-disante sécurité religieuse qui se veut hermétique et immuable.
Essayons d’être vrai et honnête avec notre foi en accueillant pour nous le questionnement du Christ : « pour vous, qui suis-je ? » Saint Pierre a répondu au Christ : « Tu es le Christ ». Mais dans sa réponse, St Pierre refusait d’imaginer que pour donner sa vie comme Jésus le faisait il fallait en payer le prix fort. Nous aussi, comme chrétiens, nous affirmons croire au Christ. Mais qu’est-ce que ça nous coûte comme renoncement, comme prix à payer que de croire en lui. La foi n’a pas pour but de nous rendre angélique. La preuve : « que d’individualismes, que d’idées toutes faites sur les autres, que d’habitudes sclérosantes nous avons l’habitude d’élever au rang de vérité éternelle et immuable. Le prix à payer pour donner de la vérité à notre foi consiste à reconnaître et à abandonner toutes nos scléroses et tous nos tabous culturels, sociaux et religieux hermétiques.
Reconnaissons que nous avons tendance à enfermer la foi dans la sphère du religieux, dans une sphère ritualiste, alors que la foi doit d’abord et essentiellement faire éclater toutes les résistances, les frontières de toutes sortes que nous avons tendance à dresser et à renforcer dans notre cœur, toutes ces frontières qui nous nous empêchent de nous ouvrir à l’avenir, à l’inattendu parce qu’elles nous poussent à nous protéger des autres et des idées nouvelles.
« Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive » nous dit le Christ dans l’Evangile de ce dimanche. Jésus a bien évidemment porté sa croix, mais la croix est synonyme de la VIE.
Soyons-en persuadé : Jésus n’a pas porté sa croix uniquement le dernier jour de sa vie sur ce chemin de 800 mètres environs qui l’ont mené du tribunal au Golgotha. Jésus a porté sa croix chaque jour de sa vie car c’est chaque jour de sa vie que Jésus a donné sa vie en portant la vie des hommes, ses frères en humanité. C’est chaque jour que le Christ est allé à la rencontre de l’homme blessé, malade spirituellement, humainement, moralement. Jésus a porté sa croix en se faisant solidaire de tout homme en souffrance, en déshérence, tout en le respectant dans sa « foi » ou dans sa « non foi », sans prosélytisme.
Quand nous allons à la messe, demandons-nous si nous y allons surtout pour vivre une belle liturgie, ce qui est loin d’être négligeable, mais pour être belle une liturgie doit être signifiante de l’identité du Christ et du contenu et du sens qu’il a donné à sa vie. Mais pour que nos liturgies, aussi belles soient-elles, aient du sens il faut que nous venions célébrer Jésus-Christ en acte et en vérité comme nous y invite Saint Jacques, c’est-à-dire avec nos oeuvres de justice, de paix, de fraternité…tout ce quotidien de nos vies vécu par amour, tant à l’égard de Dieu qu’à l’égard de nos frères.
C’est à cette foi- là, vécue en acte et en vérité que Jésus nous invite si nous voulons que nos célébrations soient recevables par Dieu . C’est dans cet esprit que Jésus nous invite quand il nous dit : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera ». Dans la bouche du Christ « perdre sa vie » signifie : « donner sa vie »
Si nous allons à la messe en ce dimanche, nous pourrions dès le début, dans le secret de notre vie et de notre foi, adresser au Christ cette prière :
Seigneur Jésus, que cette célébration nous aide à vivre en vrais disciples.
« Perdre sa vie pour toi et pour l’Evangile ».
La perdre au quotidien :
avec ton aide et à la suite du sens que tu as donné à ta vie, nous le pouvons.
Aide-nous à vivre concrètement notre foi,
à aimer concrètement notre prochain.
Toi, tu ne t’es jamais dérobé à ton devoir de solidarité.
Tu es non seulement le messager de l’Evangile,
mais l’irruption de celui-ci
sur notre terre pour toujours. AMEN